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BELLIOU-LA-FUMÉE

VI

Au relais de Sixty Mile, la Fumée avait placé son attelage d’avant-dernière qualité, et, bien que le terrain fût bon, il avait limité le trajet à vingt-quatre kilomètres, réservant ses meilleures bêtes pour les deux dernières étapes, celles qui devaient l’amener au bureau de l’Enregistrement de Dawson. Sitka Charley l’attendait en personne avec les huit malemutes qui devaient effectuer un parcours de trente-deux kilomètres ; puis la Fumée franchirait la distance finale de vingt-quatre kilomètres avec son propre attelage, celui qu’il avait eu tout l’hiver et qui l’avait accompagné à la recherche du lac Surprise.

Les deux hommes enchevêtrés à Sixty Mile ne réussirent pas à le rattraper, et d’autre part son propre attelage ne rejoignit aucun des trois qui étaient encore en tête. Bien que manquant un peu de tempérament et de vitesse, ses bêtes étaient pleines de bonne volonté, et il n’était pas nécessaire de les encourager beaucoup pour les maintenir dans leur meilleure allure. Rien à faire, pour la Fumée, qu’à rester couché sur le ventre et tenir bon. De temps à autre il émergeait de l’obscurité dans le rayonnement d’un brasier, et, après avoir entrevu des hommes couverts de fourrures qui attendaient debout près de leurs chiens harnachés, il s’enfonçait dans la nuit.

Il dévora ainsi des kilomètres et des kilomètres, au rythme monotone des grincements et cahots des patins. Il se maintenait en place d’une façon presque