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BELLIOU-LA-FUMÉE

pied et essaye de relever Joy. Mais elle le repousse, en criant : « Courez ! »

Le gros Olaf, toujours attentif à terminer la course, bondissait déjà à cinquante mètres en avant. La Fumée s’élança et, en atteignant la rive, il était sur les talons de l’autre. Mais, en montant le talus, le gros Olaf, par de puissantes embardées, regagnait quatre mètres.

Le bureau de l’Enregistrement faisait partie du cinquième pâté de maisons dans la rue principale. Celle-ci était bondée comme au passage d’un défilé militaire. Cette fois la Fumée trouva plus difficile de rattraper son gigantesque rival, et quand il le rejoignit il fut incapable de le dépasser. Côte à côte ils couraient dans une allée étroite entre deux murs compacts d’hommes emmitouflés qui les acclamaient. Tantôt l’un, tantôt l’autre, au prix d’un élan convulsif, gagnaient un pouce environ, pour le reperdre immédiatement.

Si leur allure antérieure avait été mortelle pour les chiens, celle qu’ils s’imposaient maintenant ne l’était pas moins pour eux-mêmes. Mais l’enjeu était d’un million de dollars, sans parler d’une honorable notoriété dans la contrée du Yukon. La seule impression qui parvint à la Fumée dans cette finale et folle randonnée fut un profond étonnement qu’il y eût tant de gens au Klondike. Jamais auparavant il ne les avait vus rassemblés.

Puis il se sentit ralentir malgré lui, et le gros Olaf le devança d’une bonne enjambée. Il semblait à la Fumée que son cœur allait éclater, et il avait perdu toute conscience de ses jambes. Elles volaient sous lui, mais il ignorait comment il continuait à les actionner, et il n’aurait su dire par quel