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BELLIOU-LA-FUMÉE

deux en sortant du collège. Tu as gaspillé cinq ans en tentatives, en amusements. Devant Dieu et les hommes, à quoi es-tu bon ? À ton âge, je n’avais qu’une chemise. Je gardais le bétail à cheval dans le Colusa. J’étais dur comme la roche sur laquelle je pouvais dormir. Je vivais de bœuf séché au soleil et de viande d’ours. Maintenant encore je suis en meilleure forme que toi. Tu pèses environ soixante-quinze kilos. Je pourrais te terrasser en une seconde ou te rosser à coups de poing.

— Point n’est besoin d’être un prodige physique pour remuer des cocktails ou de la fleur de thé, murmura Kit d’un ton suppliant. Ne comprenez-vous pas, cher oncle, que les temps sont changés ? En outre, je n’ai pas été élevé comme il faut. Ma pauvre folle de mère… »

Jean Belliou eut un sursaut d’indignation.

« …Selon l’expression que vous employiez tout à l’heure… était trop bonne pour moi. Elle me gardait dans du coton, c’est entendu. Pourtant, si, étant enfant, j’avais pris quelques-unes de ces vacances éminemment viriles que vous vous payiez, vous… Je me demande pourquoi vous ne m’avez jamais invité. Vous avez emmené Hal et Robbie partout dans les sierras et dans cette excursion au Mexique.

— Je trouve que tu faisais trop ton petit lord Fauntleroy[1].

— C’est votre faute, mon cher avunculaire, autant que celle de ma pauvre femme de mère. Comment pouvais-je connaître la vie dure ? Je n’étais, moi, qu’un pauvre petit « nenfant ». Il ne me restait d’au-

  1. Little lord Fauntleroy, par Hodgson Barnett : histoire d’un jeune garçon américain qui hérite d’un domaine seigneurial anglais, et devient précieux et affecté.