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Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/23

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BELLIOU-LA-FUMÉE

côté. Le plus tendre des pieds-tendres était Kid. Comme des centaines d’autres, il portait un gros revolver suspendu à une ceinture-cartouchière. Son oncle s’était laissé aller à la même faiblesse, en souvenir des anciens jours où la loi était absente. Mais, chez Kit, c’était du romanesque. Le pétillement mousseux de cette course à l’or lui montait à la tête, et il considérait d’un œil d’artiste cette vie tumultueuse. Il ne la prenait pas au sérieux. Comme il le disait à bord, ce n’était pas le jour de son enterrement. Il venait simplement en vacances : il avait l’intention de jeter un coup d’œil par-dessus le fameux défilé et de s’en retourner.

Laissant ses compagnons attendre le débarquement des bagages, il erra sur la grève vers le vieux poste de commerce. Il ne crânait pas, bien qu’il vît la plupart des novices porteurs de revolvers se dandiner d’un air bravache. Un Indien le dépassa, bien découplé, haut de six pieds, chargé d’un ballot de volume anormal. Kit marcha dans son sillage, admirant ses mollets splendides, la grâce et l’aisance de ses mouvements sous un pareil fardeau. L’Indien laissa tomber son faix sur la bascule du poste, et Kit se joignit au groupe d’admirateurs qui l’entouraient. La charge pesait cent vingt livres, et ce chiffre passa de bouche en bouche dans un murmure de saisissement. C’est « un peu là », pensa Kit, se demandant s’il pourrait soulever un tel poids, et encore moins marcher avec.

« Toi porter ça au lac Linderman, vieux ? » demanda-t-il.

L’Indien, gonflé de fierté, grogna une réponse affirmative.

« Combien toi faire avec ce paquet-là ?

— Cinquante dollars. »