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BELLIOU-LA-FUMÉE

dike. C’est un vieux de la vieille. Il a été douze ans dans le Yukon. Il est arrivé depuis peu.

— Qu’est-ce qu’un Chéchaquo ?[1] demanda Kit.

— Vous en êtes un ; j’en suis un, répondit l’autre.

— C’est possible, mais il faut me mettre sur la voie. Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Un pied-tendre, un novice, un bleu. »

En revenant vers la grève, Kit rumina le terme dans tous les sens. C’était cuisant d’être ainsi qualifié par ce petit bout de femme.

Arrivé dans un coin entre les monceaux de ballots, l’esprit encore rempli par la vision de l’Indien et de sa redoutable charge, Kit essaya de mesurer ses propres forces. Avisant un sac de farine dont le poids, à sa connaissance, était d’une centaine de livres, il mit un pied de chaque côté, se pencha, et essaya de le soulever sur son épaule. La première conclusion qu’il tira de cet effort fut que cent livres constituent un poids relativement lourd. Sa seconde remarque fut qu’il avait les reins faibles. La troisième fut un juron, qu’il lança au bout de cinq minutes dépensées en pure perte, en s’affaissant sur le fardeau avec lequel il était en lutte. Il s’épongeait le front quand, de l’autre côté d’un tas de sacs à provisions, il aperçut Jean Belliou qui le regardait avec des yeux glacialement réjouis.

« Bon sang ! s’écria l’apôtre de la vie dure. Quand

  1. Dans Croc-Blanc (ch. xvi, Le Dieu fou), Jack London nous apprend que : « … les quelques hommes blancs qui se trouvaient à Fort-Yukon se dénommaient eux-mêmes, avec orgueil, les Sour-Doughs, ou les Pâtes-aigres, parce qu’ils préparaient, sans levure, un pain légèrement acidulé. Ils ne professaient que du dédain pour les autres hommes blancs qu’amenaient les vapeurs et qu’ils désignaient sous le nom de Chéchaquos, parce que ceux-ci faisaient, au contraire, lever leur pain pour le cuire. »