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BELLIOU-LA-FUMÉE

V

Kit traîna sur la piste avec ses porteurs indiens. En considération de la longueur de cette traite qui devait les conduire jusqu’au faîte du Chilcoot, il n’avait bouclé sur son dos que quatre-vingts livres. Les Indiens piétinaient sous leur fardeau, mais d’une allure plus vive que celle dont il avait pris l’habitude. Néanmoins il n’éprouvait aucune appréhension, étant arrivé à se regarder presque comme l’égal d’un Indien.

Au bout de quatre cents mètres il aurait bien voulu se reposer. Mais les Indiens continuaient, et il garda son rang dans la file. Aux huit cents mètres, il se crut sincèrement incapable de faire un pas de plus ; serrant les dents, il conserva sa place, et, le kilomètre et demi parcouru, fut étonné de se trouver encore en vie. Alors, il éprouva ce phénomène étrange qu’on appelle le souffle second, et le kilomètre et demi suivant lui fut presque plus facile que le premier. Le troisième fut tuant. À moitié délirant de peine et de fatigue, il sut pourtant se retenir de proférer la moindre plainte. Et, au moment où il se croyait bien sur le point de s’évanouir, la halte survint.

Au lieu de s’asseoir tout harnachés, suivant la coutume des porteurs blancs, les Indiens se dégagèrent de leurs sangles et s’étendirent à l’aise en causant et fumant. Ils passèrent là une bonne demi-heure avant de se remettre en route. Kit fut tout surpris de se trouver un homme nouveau, et adopta