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BELLIOU-LA-FUMÉE

à descendre son bagage jusqu’au bord supérieur et, tenant compte de la brièveté de l’étape, il le répartit en ballots de cent cinquante livres. Son étonnement de pouvoir en faire autant que les autres était sans bornes. Il improvisa plusieurs repas avec un énorme morceau de lard cru et trois biscuits de mer, durs comme du cuir, qu’un Indien lui vendit pour deux dollars. Sans être lavé, sans être réchauffé, dans ses habits trempés de sueur, il dormit cette nuit encore dans la toile.

Dès l’aube, il étendit une bâche sur la glace, y entassa trois quarts de tonne, et se mit à tirer. Mais à mesure que s’accentuait la pente du glacier, la vitesse de cet étrange traîneau en fit autant : bientôt Kit, dépassé, fut cueilli au passage, lancé au sommet du bagage et emballé avec tout son équipement.

Une centaine de voyageurs, courbés sous leurs fardeaux, s’arrêtèrent pour le regarder. Il hurlait des cris d’avertissement fantastiques, et ceux qui se trouvaient sur sa trajectoire trébuchaient dans leur hâte à se garer. Là-bas, au bord inférieur du glacier, était dressé une petite tente. Elle semblait bondir à sa rencontre tant il la vit grandir rapidement. Il sortit de la piste battue à un endroit où elle s’incurvait vers la gauche, et fut lancé à travers un champ de neige nouvellement tombée. Un tourbillon blanc se souleva comme une vapeur glacée autour du bolide, et sa vitesse en fut un peu réduite. Il ne revit la tente qu’au moment où, entrant en contact avec elle, il emportait ses étais d’encoignure, crevait ses pans de devant, et abordait à l’intérieur, toujours perché sur sa bâche au milieu de ses sacs à vivres. La tente oscilla comme une personne ivre, et au sein de son aurore boréale Kit se trouva face à face avec une jeune fille étonnée