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BELLIOU-LA-FUMÉE

V

Le lendemain, comme d’habitude, ils furent les derniers à partir. Breck, malgré l’insuffisance de ses capacités nautiques et d’un équipage composé uniquement de sa femme et de son neveu, avait levé le camp, chargé son bateau et démarré dès la première heure du jour. Mais Stine et Sprague n’étaient jamais pressés. Ils semblaient incapables de comprendre que le gel pouvait survenir d’un moment à l’autre. Ils jouaient aux malades, retardaient tout, et critiquaient le travail de Kit et du Courtaud.

Ce dernier blasphémait pour exprimer son mépris.

« Pour sûr je perds mon respect du bon Dieu, vu qu’il a pu commettre ces deux ratés sous forme humaine. »

Kit ripostait en riant :

« En revanche, vous êtes son chef-d’œuvre ; plus je vous regarde et plus je suis tenté de respecter le Créateur.

— Pour sûr, il a pris de la peine ce jour-là, hein ? » gouaillait le Courtaud pour dissimuler sa gêne du compliment.

La route par eau traversait le lac Le Barge. Ici il n’y avait pas de courant : il fallait franchir à la rame soixante-cinq kilomètres d’une eau dormante, à moins qu’il ne soufflât un vent favorable. Mais la saison des bons vents était passée, et ce qui leur soufflait dans les dents était une bourrasque glacée du Nord : elle soulevait de grosses vagues, contre lesquelles il