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BELLIOU-LA-FUMÉE

devenait presque impossible de faire avancer le bateau. À leurs misères s’ajoutaient les tourbillons de neige, et l’un des hommes devait s’occuper constamment à détacher à coups de hachette les glaçons qui se formaient sur la pelle des avirons. Obligés de ramer à leur tour, Sprague et Stine manifestaient une fainéantise incurable. Kit avait vite appris à peser de tout son poids sur l’aviron, mais il remarquait que ses patrons simulaient l’effort et plongeaient leurs avirons sous un faux angle.

Au bout de trois heures, Sprague rentra sa rame et déclara qu’il fallait retourner s’abriter à l’embouchure du fleuve, et Stine fut du même avis. Ainsi furent perdus les quelques kilomètres gagnés avec tant de peine. Un second jour, et un troisième, ils renouvelèrent leur vaine tentative.

Une flottille de plus de deux cents embarcations se tassait maintenant à l’embouchure du fleuve, venant du Cheval blanc. Il en arrivait quarante à cinquante par jour ; deux ou trois seulement réussirent à gagner la rive Nord-Ouest du lac et ne revinrent pas. La glace se formait dans les courbes du rivage et bientôt une mince croûte contourna les pointes d’un renfoncement à un autre. Le gel était imminent.

« Nous pourrions y arriver s’ils avaient seulement autant de cœur qu’un mollusque, disait Kit au Courtaud, tandis qu’ils séchaient leurs mocassins devant le feu au soir du troisième jour. — Nous réussissions aujourd’hui s’ils n’avaient pas flanché : une heure de plus et nous atteignions cette fameuse rive Ouest. Ils sont… Ils sont aussi incapables que des gosses.

— Pour sûr confirma le Courtaud.

Il fit tourner son mocassin devant la flamme et réfléchit un instant.