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BELLIOU-LA-FUMÉE

— Pour sûr, répondit celui-ci. Il peut tailler de la glace. »

Mais Sprague refusa de lui céder l’aviron. Stine avait cessé de ramer, et le bateau reculait en dérive.

« Virez de bord, la Fumée ! » insista Sprague.

Kit, qui n’avait jamais maudit un homme de sa vie, fut étonné de s’entendre.

« Je vous verrai au diable d’abord ! s’écria-t-il. Prenez votre rame et souquez. »

Ils avaient tous atteint ce degré de fatigue où l’homme est apte à perdre tous les fruits de la civilisation. Sprague arracha une de ses moufles, tira son revolver et le braqua contre son timonier.

C’était une aventure nouvelle pour Kit, qui n’avait jamais affronté la gueule d’un revolver. Il fut tout surpris de constater que cette menace ne lui faisait aucun effet et lui semblait la chose la plus naturelle du monde.

« Si vous ne rentrez pas cette arme, dit-il, je vais vous la prendre et vous taper sur les doigts avec.

— Si vous ne virez pas de bord, je vous tue », hurla Sprague.

Alors intervint le Courtaud. Il cessa de tailler de la glace et se dressa derrière Sprague en brandissant son hachoir.

« Allez, tirez ! cria-t-il. Je meurs d’envie de vous décerveler. Donnez le signal de la fête !

— C’est une mutinerie ! s’exclama Stine. Vous avez été engagés pour obéir à nos ordres. »

Le Courtaud se tourna vers lui.

« Oh ! vous aurez votre tour dès que j’aurai fini avec votre associé, espèce d’outil à ébouillanter les porcs !

— Sprague, dit Kit, je vous donne trente secondes pour rentrer votre revolver et sortir votre aviron. »