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BELLIOU-LA-FUMÉE

Sprague hésita, poussa un ricanement nerveux, remit son revolver en place et se courba sur sa rame.

Pendant deux heures encore, ils avancèrent pouce par pouce au bord des rochers écumants. Kit commençait à craindre de s’être trompé, et était lui-même sur le point de virer de bord, lorsqu’ils arrivèrent à la hauteur d’une étroite ouverture, de six mètres au plus, conduisant à un enfoncement bien abrité où les rafales les plus violentes ridaient à peine la surface de l’eau. C’était le havre gagné par les bateaux des jours précédents. Ils abordèrent à une grève en pente. Les deux patrons restèrent prostrés dans le bateau, tandis que Kit et le Courtaud dressaient la tente, allumaient du feu et se mettaient à la cuisine.

« Qu’est-ce qu’un outil à ébouillanter les porcs ? demanda Kit.

— Je veux bien être pendu si je le sais, répondit le Courtaud. Mais ce type-là en est un tout de même. »

L’ouragan, qui s’apaisait rapidement, cessa au crépuscule, et le temps devint sec et froid. Une tasse de café, mise de côté pour refroidir et oubliée pendant quelques minutes, fut retrouvée couverte d’un centimètre de glace. À huit heures, tandis que Sprague et Stine, déjà roulés dans leurs couvertures, dormaient d’un sommeil de plomb, Kit alla jeter un coup d’œil à la barque.

« C’est le gel, annonça-t-il au Courtaud en revenant. Il y a déjà une pellicule de glace sur toute la mare.

— Qu’allez-vous faire ?

— Il n’y a qu’une décision pénible. Naturellement le lac gèlera tout d’abord. Le courant rapide du fleuve le maintiendra libre pendant plusieurs jours. Demain matin, à cette heure-ci, tout bateau pris dans le lac Le Barge y restera jusqu’à l’année prochaine.