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BELLIOU-LA-FUMÉE

« Notre bateau sera le dernier qui atteindra Dawson cette année, dit celui-ci.

— Mais il n’y a plus d’eau, la Fumée.

— Eh bien, nous naviguerons sur la glace. Allons-y ! »

Malgré leurs protestations, Sprague et Stine furent emballés à bord. Pendant une demi-heure, Kit et le Courtaud s’escrimèrent à coups de hache pour s’ouvrir un chenal vers le courant rapide mais encombré.

À peine avaient-ils réussi à se dégager de la banquise riveraine que les glaçons en dérive effleurèrent le canot contre le rebord sur une distance d’une centaine de mètres : le frottement emporta la moitié du bordage et la barque fut presque réduite à l’état d’épave. Ils atteignirent enfin le courant à la base d’une courbe qui s’éloignait du rivage, et continuèrent leurs efforts pour gagner le milieu. Le fleuve était composé, non plus de bouillie, mais de blocs solides : dans les intervalles seulement il restait de la glu, qui se congelait sous leurs yeux. Repoussant les blocs avec leurs avirons, parfois sautant eux-mêmes sur les glaçons pour pousser le bateau, il leur fallut une heure pour arriver en plein courant.

Cinq minutes après ils cessèrent leurs efforts : l’embarcation était prise. Tout le fleuve se congelait. Les blocs se soudaient les uns aux autres et le canot lui-même formait le centre d’un îlot de vingt-cinq mètres de diamètre. Tantôt il flottait par le travers, tantôt la poupe en avant. Parfois la pesanteur détachait de la masse mouvante des morceaux bientôt raccrochés par d’autres masses en formation. Pendant que coulaient les heures, le Courtaud bourrait le poêle, faisait la cuisine et clamait son chant de guerre.

La nuit vint ; après des tentatives répétées, ils du-