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BELLIOU-LA-FUMÉE

problème, celui de transformer leur poudre d’or en victuailles. Le prix courant de la farine et des haricots était d’un dollar et demi la livre, et la difficulté restait de trouver un vendeur. Dawson était en proie à la disette. Des centaines d’hommes, munis d’argent mais dépourvus de nourriture, avaient été obligés de quitter le pays. Beaucoup d’entre eux avaient descendu le fleuve juste avant le gel, et un plus grand nombre encore, avec des provisions à peine suffisantes, avaient entrepris à pied, sur la glace, les neuf cent cinquante kilomètres qui les séparaient de Dyea.

Dans le bar bien chauffé, la Fumée vit entrer le Courtaud, qui semblait de joyeuse humeur.

« La vie n’a pas d’attrait sans whisky ni sucre, dit le Courtaud en guise de salutations ; en même temps il ôtait de sa moustache dégelée des morceaux de glace qu’il envoyait cliqueter sur le plancher.

— Et du sucre, je viens justement d’en trouver dix-huit livres. Le type ne m’a pris que trois dollars la livre. Et toi, as-tu eu la veine ?

— Oh ! je ne suis pas resté à rien faire, répondit la Fumée avec fierté. J’ai acheté cinquante livres de farine ; et il y a un bonhomme au Creek d’Adam qui m’en a promis cinquante autres demain matin.

— Superbe ! Pour sûr nous aurons de quoi vivre jusqu’au dégel du fleuve. Dis donc, la Fumée, la meilleure affaire de tout ça, c’est nos chiens. Un acheteur m’a offert de les prendre tous les cinq à deux cents dollars pièce. Je lui ai dit qu’il n’y avait rien de fait. Pour sûr, ils ont augmenté de valeur depuis qu’ils ont de la viande à se mettre sous la dent ; tout de même, ça fait mal au cœur de nourrir des chiens avec de la mangeaille qui vaut deux dollars et demi la livre.