Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/188

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tion. Il faisait, il réalisait quelque chose, il maîtrisait les éléments. Il lui arriva une fois de rire par excès de vitalité, et de son poing fermé il défia le froid. Il s’en était rendu maître. Ce qu’il faisait, c’était malgré le froid. Le froid ne pouvait l’arrêter. Il continuait en direction de la ligne de partage des eaux de Cherry Creek.

Si forts qu’aient été les éléments, lui était plus fort. En cette saison, les animaux regagnent leurs trous en rampant et s’y maintiennent terrés. Mais lui ne se cachait pas. Il était dehors, dans le froid, il lui tenait tête, il le combattait. Il était un homme, un maître, des choses.

Il continuait son chemin, toujours dans les mêmes dispositions d’esprit, en se réjouissant avec fierté. Au bout d’une demi-heure, il suivait un méandre à un endroit où le cours d’eau passait tout près du versant de la montagne, et il se trouva en présence d’un des dangers les plus insignifiants en apparence, mais les plus formidables qu’on puisse rencontrer au cours d’un voyage dans les pays du nord.

Le torrent lui-même était gelé jusqu’au fond rocheux de son lit, mais de la montagne arrivaient les trop-pleins de plusieurs sources. Celles-ci ne gèlent jamais, et le seul effet des plus intenses vagues de froid, c’est simplement de diminuer leur débit. Protégée du gel par la couverture de la neige, l’eau de ces sources s’écoule dans le lit du torrent, et forme des mares sans profondeur à la surface de la glace qui le recouvre.

À son tour, la surface de ces mares se recouvre d’une couche de glace qui s’épaissit de plus en plus jusqu’à ce que l’eau la recouvre et forme ainsi, au-dessus de la première, une seconde mare recouverte d’une légère couche de glace.

Ainsi, se trouvait au fond, la glace solide du torrent, puis probablement quinze à vingt centimètres