Aller au contenu

Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sapins, les eaux plus hautes du printemps avaient amené pas mal de petites branches. Complètement séchées par le soleil de l’été, elles n’attendaient plus que l’allumette.

Il était impossible de construire un feu en ayant sur les mains les lourdes moufles qu’on porte en Alaska. Vincent retira donc les siennes, ramassa un nombre suffisant de branches, en fit tomber la neige, et s’agenouilla pour allumer son feu. D’une poche intérieure il tira ses allumettes et une mince lamelle d’écorce de bouleau. Les allumettes étaient de celles qu’on utilise au Klondike, des allumettes soufrées, vendues par paquets de cent.

En sortant une allumette du paquet il put remarquer la rapidité avec laquelle ses doigts s’étaient trouvés transis. Il la gratta sur son pantalon. L’écorce de bouleau, comme un morceau de papier bien sec, prit avec une flamme brillante. Il l’alimenta délicatement avec les brindilles les plus ténues et les débris les plus petits, et il soigna amoureusement la flamme naissante. Il ne devait pas hâter les choses, il savait cela, et bien que ses doigts fussent à présent complètement roides, il ne se pressait pas.

Il avait tout d’abord ressenti dans les pieds une impression de froid mordant, mais à présent, c’était une douleur profonde et sourde, et un rapide engourdissement. Le feu, bien qu’encore très chétif, était à présent un succès et il savait qu’en se frictionnant énergiquement les pieds avec un peu de neige, il ne tarderait pas à leur rendre la vie.

Mais au moment où il mettait dans son feu les premières branches un peu plus grosses il lui arriva une chose très ennuyeuse. Les branches du sapin qui se trouvaient au-dessus de sa tête étaient chargées d’une neige accumulée pendant quatre mois dans un équilibre tellement subtil que le léger mouvement qu’il avait fait en