Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/78

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quelqu’un nous en débarrassât. Mais c’était un espoir vain.

Nous n’avions même pas besoin de l’offrir aux acquéreurs, ce qui, au surplus, eût paru suspect. Il avait si bonne mine que nous étions sollicités de le céder. Nous déclarions seulement : « Son éducation n’est point faite. » Ce qui n’empêchait pas qu’on nous en offrît des prix invraisemblables. Si nous l’abandonnâmes, une fois, pour vingt dollars, on nous en donna, une autre fois, cent cinquante.

Ce dernier client nous le ramena, en personne, et nous traita de façon abominable. Il déclara que cent cinquante dollars, c’était bon marché, pour avoir le droit de nous dire tout ce qu’il avait sur le cœur. Nous en entendîmes de dures, et cet homme avait si pleinement raison que nous ne sûmes que répondre à ses grossièretés. Aujourd’hui encore, quand j’y songe, je n’en suis pas complètement remis. J’ai honte, et je me méprise, d’avoir subi une telle humiliation.

Lorsque la glace eut complètement disparu des lacs et des fleuves, nous chargeâmes nos bagages dans une embarcation, sur le lac Bennet, et fîmes définitivement route vers Dawson.

Notre attelage de chiens était excellent (sauf ce Spot) et, naturellement, il embarqua avec nous et s’empila sur nos bagages. Spot était là, lui aussi. Il n’y avait pas eu moyen de le perdre quelque part. Comme il se trouvait trop serré, il culbuta par-dessus bord, le premier jour de notre navigation, tous ses camarades, les uns après les autres. Ce Spot n’aimait pas la foule et prétendait avoir ses aises.

Les chiens repêchés, Stephen Mackaye me dit, le deuxième jour :

— Ce que désire cet animal, c’est beaucoup d’espace. Laissons-le en plan. Il courra où il voudra.

Ainsi fut fait. Nous poussâmes notre barque vers la