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rive, au gué du Caribou, et le fîmes sauter à terre. Deux autres de nos chiens, deux excellents chiens, nous échappèrent et firent comme lui. Nous perdîmes deux jours entiers à les chercher. Nous ne pûmes les retrouver et ne les revîmes jamais.

Mais, après que nous eûmes repris notre navigation, nous sentîmes en nous un soulagement et un calme inaccoutumés. Comme le client qui n’avait pas réclamé ses cent cinquante dollars, nous estimions que c’était encore bon marché, d’avoir payé, de la perte de deux chiens, la liquidation de cette affaire. Pour la première fois, depuis plusieurs mois, Stephen et moi, nous nous prîmes à rire, à siffler et à chanter. Nous étions heureux comme des palourdes dans l’eau. Les jours sombres avaient disparu. Le cauchemar s’était dissipé. Ce Spot était parti.

Deux semaines passèrent.

Stephen Mackaye et moi, nous étions debout, un matin, à Dawson, sur la berge du fleuve. Un batelet approchait, arrivant du Lac Bennet.

Je vis Stephen qui sursautait et j’entendis tomber de sa bouche, à travers sa barbe, un vilain mot.

À mon tour, je regardai. À l’avant du batelet, les oreilles dressées, ce Spot était assis.

Stephen Mackaye et moi, nous déguerpîmes sur-le-champ, comme des chiens devant un fouet. Nous avions l’air de malfaiteurs apeurés, fuyant devant la justice qui est à leurs trousses. Telle fut l’opinion du lieutenant de Police, en nous voyant ainsi courir. Il supposa que le bateau amenait des confrères, lancés après nous et, sans plus attendre, nous somma de nous arrêter. Il nous fit conduire, par un policeman, dans un bar qui était proche, et nous passâmes des moments dénués d’agrément, à lui expliquer de quoi il s’agissait.

Finalement, après que le policeman eut été s’enquérir au bateau, vers lequel nous refusâmes énergi-