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Page:London - Contes des mers du Sud, trad. Postif et Gruyer, 1948.djvu/87

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brute, fut, par le papier de verre de sa peau, mis à vif jusqu’au coude.

Le requin s’était une fois de plus écarté, mais pour dessiner de nouveaux cercles et préparer visiblement une troisième attaque.

À bout de forces, j’avais perdu tout espoir.

À ce moment, un corps sombre passa entre nous. C’était celui d’Otoo.

« Maître, me dit-il gaiement, bon courage ! Continue à nager vers la goélette. Je m’y connais en requins. Les requins, pour moi, sont presque des frères. Il ne t’aura pas. »

Je fis comme il me disait, Otoo se maintenant toujours entre moi et la bête, dont il esquivait habilement les élans.

« Les portemanteaux du canot de la goélette, m’expliqua-t-il, ont leurs manœuvres embrouillées. C’est pourquoi, comme le temps pressait, je suis venu te chercher. »

La goélette n’était plus qu’à une trentaine de mètres de nous, quand je sentis mes forces m’abandonner complètement. Mes membres étaient lourds et Je ne pouvais plus exécuter aucun mouvement.

Du pont de la goélette, on nous lançait des cordes, que je ne distinguais même pas, parmi les vagues, tellement trouble était ma vue.

Facilement, Otoo aurait pu se saisir de l’une d’elles, Mais il ne me quittait pas.

« Adieu, Charley ! Je suis perdu. Le requin… le requin est là, tout près… la gueule ouverte.

— Maître, me répondit-il, garde ton sang-froid ! Tu as une ligne à ta gauche… Oui, à ta gauche…