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Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/112

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au paroxysme, car il n’avait jamais oublié le coup de bec qu’il avait reçu sur le nez, d’un de ces oiseaux. Il se souvenait aussi du faucon et, dès qu’une ombre mouvante passait dans le ciel, il courait se blottir sous le plus proche buisson.

Mais une époque arriva où ces divers épouvantails cessèrent de l’effrayer. Ce fut quand il sentit que lui-même était pour eux un danger. Sans plus ramper et se traîner sur le sol, il prenait déjà l’allure oblique et furtive de sa mère, ce glissement rapide et déconcertant, à peine perceptible, presque immatériel.

Les poussins du ptarmigan et la jeune belette avaient été ses premiers meurtres, la première satisfaction de son désir de chair vivante. Ce désir et l’instinct de tuer s’accrurent de jour en jour, et sa colère grandit contre l’écureuil, dont le bavardage volubile prévenait de son approche toutes les autres bêtes. Mais, de même que les oiseaux s’envolent dans l’air, les écureuils grimpent sur les arbres, et le louveteau ne pouvait rien contre eux que de tenter de les surprendre lorsqu’ils sont posés sur le sol.

Le louveteau éprouvait pour sa mère un respect considérable. Elle était savante à capturer la viande et jamais elle ne manquait de lui en apporter sa part. De plus elle n’avait peur de rien. Il ne se rendait pas compte qu’elle avait plus appris et en connaissait plus que lui, d’où sa plus grande bravoure, et ne voyait que la puissance supérieure qui était en elle. Elle le forçait aussi à l’obéissance et, plus il prenait de l’âge, moins elle était patiente envers lui. Aux coups