Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/129

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aux choses immobiles, il leur était loisible de changer la vraie face du monde.

La plantation et le dressage des perches destinées à monter le camp attira l’attention du louveteau. Cette opération était peu de chose, accomplie par les mêmes créatures qui lançaient à distance des bâtons et des pierres. Mais, quand il vit les perches se réunir et se couvrir de toiles et de peaux, pour former des tentes, Croc-Blanc fut stupéfait. Ces tentes, d’une colossale et impressionnante grandeur, s’élevaient partout autour de lui, grandissant à vue d’œil, de tous côtés, comme de monstrueuses formes de vie. Elles emplissaient le champ presque entier de sa vision et, menaçantes, le dominaient lui-même. Lorsque la brise les agitait, en de grands mouvements, il se couchait sur le sol, effaré et craintif, sans toutefois les perdre des yeux, prêt à bondir et à fuir au loin, s’il lui arrivait de les voir se précipiter sur sa tête.

Après un moment, son effroi des tentes prit fin. Il vit que femmes et enfants y pénétraient et en sortaient sans aucun mal, et les chiens aussi tenter d’y entrer, mais en être chassés rudement, de la voix ou au moyen de pierres volantes. Bientôt Croc-Blanc, quittant les côtés de Kiche, rampait à son tour, avec précaution, vers la tente la plus proche. Sa curiosité, sans cesse en éveil, le besoin d’apprendre et de connaître, par sa propre expérience, le poussaient. Les derniers pouces à franchir vers le mur de toile et de peau le furent avec un redoublement de prudence et une avance imperceptible. Les événements de la journée avaient préparé le louveteau au contact de l’In-