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vi
INTRODUCTION

gés sociaux du vieux monde, qui avaient secoué derrière eux, sur le sol de leur patrie, la poussière de leurs souliers et s’en étaient venus, par delà l’Atlantique, interroger la vie et tenter un sort meilleur.

Le petit Jack était le dernier de la lignée, la dernière pierre qui allait rouler à son tour, en de rudes et chaotiques soubresauts.

Personne, sur le ranch, ne lui enseigna à lire ni à écrire. À cinq ans, il avait, seul, appris l’un et l’autre. Ses parents se décidèrent à l’envoyer dans une école, durant les quelques loisirs que lui laissait le travail manuel. Car, dès l’âge de huit ans, ils l’avaient engagé comme garçon de ferme. C’était, au demeurant, une école peu ordinaire. « Les élèves, nous a-t-il conté, étaient assis dans la classe, chacun devant un pupitre. Mais, le plus souvent, le magister était ivre. Alors tout le monde était debout et les plus âgés de nous battaient le magister. Celui-ci prenait sa revanche sur les plus jeunes et les rouait d’autant de coups qu’il en avait lui-même encaissés. Oui, vraiment, c’était là une belle école ! »

L’enfant commençait à réfléchir. Déjà il pensait. Il voyait plus loin que la vie matérielle et sentait obscurément qu’un autre monde moral existait, un autre univers que celui où il se débattait. Mais il demeurait sans guide aucun. Ni parents, ni amis qui le comprissent ; personne avec qui formuler et échanger quelqu’une de ces idées qui germaient en lui. Les hommes parmi lesquels il vivait ne connaissaient qu’une joie, celle de l’alcool et, dès cinq ans, lui avaient appris à s’enivrer.

Il s’était procuré des livres et, dès qu’il en avait le loisir, il les dévorait. L’Alhambra, de Washington