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Irving, suscita en lui un grand enthousiasme[1]. À l’aide de vieilles briques, il se construisit un château en miniature, avec des tours, des minarets et des terrasses. Des inscriptions à la craie indiquaient l’emplacement des principales scènes du roman. Mais il ne se trouva personne, parmi les gens du ranch, pour comprendre ce chef-d’œuvre. Un jour, un homme de la ville étant venu à la ferme, en bel habit de drap et en souliers vernis, le petit Jack l’amena vers le palais qu’il avait bâti et l’interrogea sur l’Alhambra. Le citadin était non moins ignare que les gens du ranch.

L’enfant se désespérait. L’existence à laquelle il semblait condamné lui apparaissait effroyablement morne. Le spectacle même de la nature, car il était un rêveur, mais non un contemplatif, n’était pas pour lui une consolation. Il haïssait ces champs, ces bois, ces vallons, ces collines, qui lui étaient une prison. Comme le louveteau de Croc-Blanc, il voulait percer l’horizon qu’il avait devant lui, il prétendait crever le mur du monde qui l’entourait et jeter son défi à la vie[2].

À onze ans, ses vœux furent comblés. Avec ses parents, il quitta le ranch et s’en vint dans une ville, à Oakland, sur le Pacifique. Il y partagea son temps entre la bibliothèque publique, qui était gratuite,

  1. On sait que Washington Irving (1783-1859), historien et romancier, est un des plus célèbres écrivains américains. Il fit de nombreux voyages en Europe et séjourna longtemps en Angleterre et en Espagne. Son style, à la fois riche et pur, rivalise avec celui des meilleurs prosateurs anglais.
  2. Croc-Blanc : Le Mur du monde.