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Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/151

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Croc-Blanc à l’abri et refusa, envers et contre tous, le châtiment du coupable.

Croc-Blanc fut donc haï des chiens et haï des hommes. Durant tout le temps de sa croissance, il ne connut jamais un instant de sécurité. Menacé par la main des uns et par les crocs des autres, il n’était accueilli que par les grondements de ses congénères, par les malédictions et par les coups de pierre de ses dieux. Le regard scrutant l’horizon tout autour de lui, il était sans cesse aux aguets, alerte à l’attaque ou à la riposte, prêt à bondir en avant, en faisant luire l’éclair de ses dents blanches, ou à sauter en arrière, en grondant.

Et, quand il grondait, nul chien dans le camp ne pouvait, jeune ou vieux, rivaliser avec lui. Dans son grondement il incorporait tout ce qui peut s’exprimer de cruel, de méchant et d’horrible. Avec son nez, serré par des contractions ininterrompues, ses poils qui se hérissaient en vagues successives, sa langue, qu’il sortait et rentrait, et qui était pareille à un rouge serpent ; avec ses oreilles couchées, ses prunelles étincelantes de haine, ses lèvres retournées et les crochets découverts de ses crocs, il apparaissait à ce point diabolique qu’il pouvait compter, pour quelques instants, sur un arrêt net de n’importe lequel de ses assaillants. De cet arrêt il savait, bien entendu, tirer parti. Aussi bien cette hésitation dans l’attaque se transformait-elle souvent, même chez les gros chiens, épouvantés, en une honorable retraite.

Toute la troupe des jeunes chiens était tenue