Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/150

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de leur dos et de raidir leurs pattes. Croc-Blanc s’instruisit à supprimer ces préambules. Tout délai dans l’attaque signifiait pour lui l’arrivée de la meute entière. Aussi s’abstint-il de donner aucun avertissement. Il fonçait droit sur l’ennemi, sans lui laisser le temps de se mettre en garde, le mordait, déchirait et lacérait en un clin d’œil. Un chien avait ses épaules déchiquetées et ses oreilles mises en rubans avant de savoir même ce qui lui arrivait.

Ainsi surpris, le chien était en outre aisément renversé, et un chien renversé expose fatalement à son adversaire le dessous délicat de son cou, qui est le point vulnérable où se donne la mort. C’était une opération que des générations de loups chasseurs avaient enseignée à Croc-Blanc. Comme il n’avait pas atteint le terme de sa croissance, ses crocs n’étaient pas encore assez longs ni assez forts pour lui permettre de réussir par ses seuls moyens ce genre d’attaque. Mais beaucoup de jeunes chiens étaient venus au camp avec un cou déjà entamé et à demi ouvert. Si bien qu’un jour, s’attaquant à l’un de ses ennemis, sur la lisière de la forêt, il le renversa, les pattes en l’air, le traîna sur le sol et, lui coupant la grosse veine du cou, lui prit la vie.

Il y eut, ce soir-là, une grande rumeur dans le camp. Croc-Blanc avait été vu et son méfait fut rapporté au maître du chien mort. Les femmes se remémorèrent les diverses circonstances des viandes volées et Castor-Gris fut assiégé par un concert de voix furieuses. Mais il défendit résolument l’entrée de sa tente, où il avait mis