Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/197

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Blanc et par les chiens indiens, ils riaient à gorge déployée.

L’un d’eux surtout, parmi ces hommes, s’intéressait à ce genre de sport. Au premier coup de sifflet du steamboat, il arrivait en courant, et, lorsque le dernier combat était terminé, il remontait vers le fort, la face comme alourdie du regret que le massacre eût déjà pris fin. Chaque fois qu’un inoffensif chien du Sud avait été terrassé et jetait son râle d’agonie sous les crocs de la troupe ennemie, incapable de contenir sa joie, il se mettait à gambader et à pousser des cris de bonheur. Et, toujours aussi, il lançait vers Croc-Blanc un dur regard d’envie pour tout le mal dont celui-ci était l’auteur.

Cet antipathique individu avait été baptisé Beauty[1] par les autres hommes du Fort. Beauty-Smith était le seul nom qu’on lui connaissait dans la région. Nom qui était, bien entendu, une antithèse, car celui qui le portait n’était rien moins qu’une beauté. La nature s’était montrée avare envers lui. C’était un petit bout d’homme, au corps maigriot, sur lequel était posée une tête plus maigre encore ; un simple point, eût-on dit. Aussi, dans son enfance, avant d’être dénommé Beauté par ses compagnons, le surnommait-on Pinhead[2]. En arrière, cette tête descendait, toute droite et d’une seule pièce, vers le cou ; tandis qu’en avant le crâne, en forme de pain de sucre, rejoignait un front bas et large, à partir duquel

  1. « Beauté ».
  2. « Tête d’épingle ».