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Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/198

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la nature semblait avoir regretté soudain sa parcimonie. Devenue prodigue à l’excès, elle avait voulu de gros yeux, séparés par une distance double de l’écart normal. La mâchoire, élargissant démesurément le reste de la face, était effroyable. Énorme et pesante, elle proéminait en avant et semblait, en-dessous, reposer à même sur la poitrine, comme si le cou eût été impuissant à en soutenir le poids.

Cette mâchoire, telle qu’elle était, donnait une impression d’indomptable énergie. Impression mensongère, exagération incohérente de la nature, car Beauté était connu de tous pour être un faible entre les faibles, un lâche entre les plus lâches.

Nous achèverons de le décrire en disant que ses dents étaient longues et jaunes, et que les deux canines, plus longues encore que leurs sœurs, dépassaient comme des crocs, de ses lèvres minces. Ses yeux étaient jaunes, comme ses dents, et chassieux comme si la nature y eût fait ruisseler toutes les humeurs qu’elle tenait en réserve dans les canaux du visage. Quant à ses cheveux, couleur de boue et de poussière jaunâtre, ils poussaient sur sa tête, rares et irréguliers, pointant sur le devant de son crâne en touffes et paquets déconcertants.

Beauté, en somme, était un vrai monstre. Ce dont il n’était pas responsable, assurément, et ne pouvait être blâmé, n’ayant pas moulé lui-même l’argile dont il était pétri.

Dans le fort, il faisait la cuisine pour les autres hommes, lavait la vaisselle et était chargé de tous