Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/205

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volonté du dieu blanc était qu’il demeurât là. Il avait, par conséquent, désobéi à ces deux dieux et mérité le châtiment qui avait suivi. Maintes fois, dans le passé, il avait vu des chiens changer de maîtres, et ceux qui s’enfuyaient battus comme il l’avait été.

Mais, si sage qu’il fût, des forces latentes en sa nature l’avaient emporté sur sa sagesse. La principale de ces forces était la fidélité. Il n’aimait pas Castor-Gris et cependant, même devant son impérative volonté et sa colère, il lui demeurait fidèle. Il ne pouvait s’en empêcher. La fidélité était une qualité inhérente à sa race, celle qui sépare son espèce des autres espèces, et qui fait que le loup et le chien sauvage sont capables de quitter la liberté de l’espace pour devenir les compagnons de l’homme.

La raclée terminée, Croc-Blanc fut attaché dans le fort, non plus avec une lanière de cuir, mais au bout d’un bâton. Il n’en persista pas moins dans sa fidélité à Castor-Gris. Castor-Gris était son propre dieu, son dieu particulier, et, en dépit de la volonté du dieu, il ne prétendait pas renoncer à lui. Son dieu l’avait livré et trahi, mais cela ne comptait pas. Ce qui seul comptait, c’est qu’il s’était, à ce dieu, donné corps et âme, sans réserve aucune. Et ce don de lui-même ne pouvait être révoqué.

Il renouvela, durant la nuit, son exploit de la veille. Lorsque les hommes du fort furent endormis, il s’attaqua au bâton auquel il était lié. Le bâton était attaché de si près à son cou qu’il ne semblait pas possible qu’il pût arriver à le mordre.