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Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/206

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C’est là un acte dont tout chien est réputé incapable. Il y réussit cependant, à force de tordre ses muscles et de contorsions acharnées. Ce fut un cas sans précédent. Toujours est-il que Croc-Blanc quitta le fort, en trottant, au petit matin, portant pendue à son cou la moitié du bâton qu’il avait rongé.

La sagesse lui commandait de ne pas revenir vers Castor-Gris qui, deux fois déjà, l’avait trahi. La survivance de sa fidélité le ramena, pour être, une troisième fois, livré et abandonné. Il fut rattaché par l’Indien et remis à Beauty-Smith, lorsque celui-ci vint le réclamer.

La correction eut lieu sur place et augmenta encore en cruauté. Castor-Gris regardait tranquillement, tandis que l’homme blanc manœuvrait sa trique. Il ne donnait plus sa protection. Croc-Blanc n’était plus son chien. Lorsque les coups s’arrêtèrent, le louveteau était à moitié mort. Un faible chien du Sud n’eût pas survécu ; lui, il ne mourut pas tout à fait. Son étoffe était plus solide, sa vitalité plus tenace. Mais il était à ce point défaillant qu’il ne pouvait plus se porter et que Beauty-Smith dut attendre, pour l’emmener, qu’il eût repris quelques forces. Aveugle et chancelant, il suivit alors les pas de son bourreau.

Il fut ensuite attaché à une chaîne qui défiait ses dents et ce fut en vain qu’il s’évertua à arracher le cadenas qui reliait cette chaîne à une grosse poutre.

Quelques jours après, Castor-Gris, devenu un parfait alcoolique et en pleine banqueroute, quitta le Porcupine pour refaire à rebours son long