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Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/23

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l’homme même. Ce sont ses ressouvenances, ses impressions, ses émotions, tout ce qu’il a vécu lui-même, qu’il nous dépeint.

Dans ce déchaînement des forces hostiles, parmi leur indestructible pérennité, « où l’homme est moins qu’une pomme de terre », l’homme lutte cependant, il lutte et il pense. Il est le roseau pensant de Pascal, et surtout le roseau agissant. Car l’action, sur la Terre du Nord, est tout. Sans l’action, sans l’action perpétuelle, la mort est là, embusquée, qui ne tarde guère.

De même, avant de s’embarquer en une longue croisière sur le Snark, il écrira : « Me voici, chétif animal appelé homme. Un brin de matière animée, cent soixante-cinq livres de chair, d’os, de nerfs, de tendons et de cerveau, tout cela doux et tendre, vulnérable et fragile, un brin de vie palpitante. Voilà tout ce que je suis. Autour de moi vont les grandes forces naturelles, menaces colossales, Titans de destruction, monstres dénués de sentiment, qui ont autant d’égards envers moi que moi pour le grain de sable que j’écrase sous mon pied. Ils ne me connaissent point, ils sont inconscients, impitoyables, amoraux. Ces monstres ont nom les cyclones et les tornades, les éclairs et le tonnerre, les lames furieuses et les trombes, les tremblements de terre et les volcans, les écumes qui heurtent avec fracas la côte hérissée de récifs, et les vagues qui bondissent par-dessus les sabords des plus grands navires, faisant des hommes une bouillie ou les projetant dans la mer. Aucun de ces monstres déchaînés ne connaît la minuscule créature, toute sensitive, toute de nerfs et de faiblesse, que les hommes, appellent Jack London et qui lui-même se croit quelque chose et même un être supérieur. Dans le conflit de tous