Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/24

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ces Titans, dans le labyrinthe de périls dont ils m’enveloppent, je dois me frayer un chemin. Et le brin de vie que je suis exultera en triomphant d’eux. »

C’est tout cela que rend admirablement Jack London, et son style alors demeure net et ferme, ferme comme l’acte qu’il décrit. Tout ce qui est tragique, chez lui, l’est à souhait. Sa plume, par contre, devient plus indécise dès que la bataille de la vie se détend et que, dépouillant sa rude écorce, il se fait sentimental. L’auteur demeure, malgré lui, un être de drame et de souffrance. Parfois aussi, lorsqu’il tend aux considérations générales, son style se fait plus diffus. L’ancien fils du trappeur errant n’a pas suffisamment appris à mettre en ordre le flot de ses pensées et celui de ses phrases. Il est un émotif de premier ordre, mais la solide culture classique des races latines lui a manqué. Le rôle du traducteur devient alors infiniment délicat. Sans s’attacher obstinément à un mot à mot littéral, que rend plus difficile encore la différence de génie des langues anglo-saxonnes et de la langue française, celle-ci éprise avant tout de netteté et de clarté, le traducteur doit s’efforcer de faire jaillir, le plus fidèlement possible, la pensée enclose dans l’original.

Tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts, Jack London n’en demeure pas moins une des plus originales et des plus puissantes incarnations du génie anglo-saxon.

Paul Gruyer et Louis Postif.