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Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/241

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vage, qui s’était donné Castor-Gris pour seigneur, et dont l’argile était prête à prendre la forme qu’on lui destinerait. Il avait été formé et durci dans la haine ; il était devenu un être de fer, de prudence et de ruse. Il lui fallait maintenant refluer tout entier, sous la pression d’une puissance nouvelle, qui était l’Amour. Weedon Scott s’était donné pour tâche de réhabiliter Croc-Blanc, ou plutôt de réhabiliter l’humanité du tort qu’elle lui avait fait. C’était pour Scott une affaire de conscience. La dette de l’homme envers l’animal devait être payée.

Tout d’abord Croc-Blanc ne vit en son nouveau dieu qu’un dieu préférable à Beauty-Smith. C’est pourquoi, une fois détaché, il resta. Et, pour prouver sa fidélité, il se fit de lui-même le gardien du bien de son maître. Tandis que les chiens du traîneau dormaient, il veillait et rôdait autour de la maison. Le premier visiteur nocturne qui se présenta pour voir Scott dut livrer combat à Croc-Blanc, avec un gourdin, jusqu’à ce que Scott vînt le secourir. Bientôt Croc-Blanc apprit à juger les gens. L’homme qui venait droit et ferme vers la porte de la maison, on pouvait le laisser passer, tout en le surveillant jusqu’au moment où, la porte s’étant ouverte, il avait reçu le salut du maître. Mais l’homme qui se présentait sans faire de bruit, avec une démarche oblique et hésitante, regardant avec précaution et semblant chercher le secret, celui-là ne valait rien. Il n’avait qu’une chose à faire, s’enfuir en vitesse et sans demander son reste.

Scott continuait, chaque jour, à choyer et à ca-