Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/242

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resser Croc-Blanc, qui prit goût, de plus en plus, à ses caresses. Quand la main le touchait, il grondait toujours, mais c’était l’unique son que put émettre son gosier, la seule note que sa gorge eût appris à proférer. Il eût voulu l’adoucir, mais il n’y parvenait pas. Et pourtant, dans ce grondement, l’oreille attentive de Scott arrivait à discerner comme un ronron. Lorsque son dieu était près de lui, Croc-Blanc ressentait une joie ardente ; si le dieu s’éloignait, l’inquiétude lui revenait, un vide s’ouvrait en lui et l’oppressait comme un néant. Dans le passé, il avait eu pour but unique son propre bien-être et l’absence de toute peine. Il en allait, maintenant, différemment. Dès le lever du jour, au lieu de rester couché dans le coin bien chaud et bien abrité, où il avait passé la nuit, il s’en venait attendre, sur le seuil glacé de la cabane, durant des heures entières, le bonheur de voir la face de son dieu, d’être amicalement touché par ses doigts et de recevoir une affectueuse parole. Sa propre incommodité ne comptait plus. La viande, la viande même, passait au second plan, et il abandonnait son repas commencé, afin d’accompagner son maître, s’il le voyait partir pour la ville.

C’était un vrai dieu, un dieu d’amour, qu’il avait rencontré et il s’épanouissait à ses chauds rayons. Adoration silencieuse et sans expansion extérieure. Car il avait été trop longtemps malheureux et sans joie, pour savoir exprimer sa joie ; trop longtemps il avait vécu replié sur lui-même, pour pouvoir s’épandre. Parfois, quand son dieu le regardait et lui parlait, une sorte d’angoisse