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Page:London - En pays lointain.djvu/100

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SIWASH

que Tommy put régler les porteurs, en estimant, il est vrai, lui-même leur dû.

En somme, ce n’avait été qu’un simple incident de voyage ; mais pour une femme seule, jouant désespérément son va-tout dans la terrible ruée de 97 vers le Klondike, cet incident aurait pu être considéré comme de quelque importance. Molly aurait pu aussi penser que les hommes, ayant eux-mêmes assez de mal à pourvoir à leurs premiers besoins, ne devaient pas voir d’un bon œil une femme affrontant sans protection les risques de l’hiver arctique.

— Si j’étais homme, je sais bien ce que je ferais, répéta Molly, le regard flamboyant, comme chargé par l’énergie accumulée de cinq générations d’Américains.

Durant le silence qui suivit, Tommy posa un plat de biscuits dans le four du poêle qu’il rechargea.

Un flot de sang courut sous sa peau basanée, et, lorsqu’il se pencha, sa nuque était devenue écarlate.

Dick, lui, continuait de piquer une aiguille triangulaire de voilier dans la courroie de charge qu’il réparait ; il ne se déportait pas de son air bonhomme et ne paraissait nullement s’émouvoir des ravages dont cette colère de femme menaçait l’intérieur de la tente battue par l’ouragan.

— Et si vous étiez homme ? demanda-t-il d’une voix dont le ton demeurait sympathique.

L’aiguille plongea dans le cuir humide et l’homme suspendit un instant son travail.

— Si j’étais homme, je mettrais sac au dos et je