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Page:London - En pays lointain.djvu/163

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LE DIEU DE SES PÈRES

soleil de minuit. Les deux crépuscules étaient si rapprochés qu’à proprement parler il n’existait pas de nuit ; les jours se rejoignaient dans un mélange difficilement perceptible de deux orbes solaires. Un pluvier pépia timidement à l’approche de la nuit ; tandis qu’un rouge-gorge saluait le matin à pleine voix.

D’une île située en plein courant du Yukon, une colonne d’oiseaux sauvages vociférait en discussions interminables, et un plongeon, sur une des berges du fleuve où l’eau était moins agitée, lui répondait de son rire moqueur.

Au premier plan, accotées au rivage d’une anse tranquille, des pirogues d’écorce de bouleau étaient alignées sur deux ou trois rangs. Des épieux à pointe d’ivoire, des flèches d’os barbelées, des arcs aux cordes de cuir, et de simples nasses en forme de paniers annonçaient la montée du saumon dans le courant boueux du fleuve.

De l’arrière, parmi le fouillis des tentes de peaux et des claies à poissons, s’élevaient les voix multiples de la tribu des pêcheurs. Les jeunes gens plaisantaient entre eux, ou contaient fleurette aux filles ; les vieilles squaws qui avaient rempli par la maternité le but de leur existence, étaient tenues à l’écart et jacassaient en tressant des câbles avec les racines vertes des vignes rampantes. Tout près d’elles leurs enfants, nus, jouaient et se chamaillaient, ou se roulaient dans la boue, pêle-mêle avec les chiens-loups au poil fauve.