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Page:London - En pays lointain.djvu/167

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LE DIEU DE SES PÈRES

le frère de ma mère qui, par droit de naissance, était chef, me cacha et me procura des chevaux et de la nourriture. Puis nous partîmes, mon enfant et moi, jusqu’à la région de la Baie d’Hudson, où les blancs, peu nombreux, ne nous embarrasseraient pas de questions. Je travaillai pour la Compagnie comme chasseur, guide et conducteur de chiens jusqu’à ce que ma fille fût devenue une femme, grande, svelte et agréable à regarder.

Tu n’es pas sans savoir que l’hiver long et solitaire engendre de mauvaises pensées et de perfides actions. Le chef-facteur, homme rude et hardi, n’avait rien dans son apparence qui pût réjouir l’œil d’une femme. Il jeta les yeux sur ma fillette, devenue femme à présent. Mère de Dieu ! Il m’envoya pour un long voyage avec les chiens afin de pouvoir… Tu m’entends. C’était un homme dur et sans cœur. Elle avait la fierté d’une blanche, l’âme virginale, et c’était avant tout une honnête femme. Eh bien ! elle en mourut.

Le soir de mon retour, après un mois d’absence, il faisait un froid cruel et les chiens traînaient la patte quand j’arrivai au Fort. Les Indiens et les métis me dévisagèrent en silence et je me sentis envahi par une crainte inexpliquée. Mais je ne soufflai mot. J’attendis que les chiens eussent avalé leur pâtée, et j’expédiai mon repas comme doit le faire un homme pressé par la besogne. Ensuite j’élevai la voix. Je les questionnai sur leur attitude bizarre ; ils s’écartèrent de moi dans la crainte de ma colère