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Page:London - En pays lointain.djvu/20

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EN PAYS LOINTAIN

l’huile et avait écrit pas mal de choses. L’un était un homme de basse classe qui se regardait comme un homme du monde, l’autre un gentilhomme qui avait conscience de l’être. De là on peut conclure qu’un personnage peut être de qualité, sans posséder les premiers éléments de la vraie camaraderie.

Le scribe était aussi sensuel que l’autre était artiste. Ses aventures d’amour, racontées avec force détails, et pour la plus grande partie forgées dans son imagination, affectaient le délicat maître ès arts, comme l’eussent fait les relents d’un égout.

Il considéra son compagnon comme un animal malpropre et inculte, dont la place était dans la fange avec les pourceaux. Il ne put s’empêcher de le lui dire ; celui-ci le traita en revanche de femmelette et de voyou. Sa vie en eût-elle dépendu, Weatherbee n’eût pu dire exactement ce qu’il entendait par « voyou », mais n’importe, le mot le satisfaisait.

Weatherbee chantait, en détonnant toutes les trois notes, des chansons comme le Cambrioleur de Boston ou Le Joli Mousse pendant des heures entières. Cuthfert en pleurait de rage jusqu’à ce que, sa patience à bout, il s’enfuît au dehors. Mais la situation était sans issue. Il ne pouvait longtemps supporter l’intensité du froid ; la petite cabane, où s’entassaient les couchettes, le poêle, la table et tout le reste, les bloquait dans un espace de dix pieds sur douze. La seule présence de l’un devenait pour l’autre une sorte d’injure continuelle, et ils se confi-