Page:London - En pays lointain.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
YAN, L'IRRÉDUCTIBLE

dait le désert, de l’autre la mer gelée. Sans provisions, sans abri, il ne pouvait aller bien loin.

Il eût été plus simple d’attendre son retour, que la faim et le froid rendaient inévitable. Mais ces hommes ne prenaient pas le temps de réfléchir. Une sorte de démence s’était emparée d’eux. D’ailleurs, le sang avait coulé et en eux parlait, tenace et brûlante, la soif du sang.

« La vengeance m’appartient, » a dit le Seigneur, et cela sous les climats tempérés où le soleil ardent amollit l’énergie humaine. Mais dans le Northland, la prière n’est efficace qu’appuyée de muscles solides, et, de longue date, les hommes ne comptent plus que sur eux-mêmes. On leur a affirmé que Dieu était partout, alors qu’en réalité il obscurcit le pays la moitié de l’année, afin, semble-t-il, qu’on ne puisse le repérer : alors ils tâtonnent dans les ténèbres. Quoi d’étonnant à ce qu’ils aient parfois des doutes sur les préceptes du Décalogue qu’ils estiment inefficaces dans ce pays ?

Yan fuyait éperdument, sans but, sous l’empire d’une seule idée : « vivre ». Vivre ! Exister ! Buck fila comme une flèche grise, mais le manqua. L’homme le frappa comme un fou et trébucha. Alors, les crocs luisants de Bright se refermèrent sur son cou, et il s’abattit.

Vivre ! Exister ! Il continua de lutter, sauvagement, noyau d’une mêlée d’hommes et de chiens. Son poing gauche était crispé dans le dos d’un chien-loup, tandis que son bras entourait le cou de Lawson,