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QUAND UN HOMME SE SOUVIENT

Fortuné La Perle avançait péniblement sur la neige, haletant et maudissant tour à tour sa déveine, l’Alaska, Nome, les cartes et l’individu à qui il venait de faire tâter de son couteau.

Le sang gelait sur ses mains et la scène était encore vivante en son esprit : l’homme se cramponnant au bord de la table et s’affaissant doucement par terre — les jetons qui roulent et les cartes éparpillées, le frémissement de toute la salle, l’instant de surprise ; les tenanciers des jeux cessant leurs appels et le cliquetis des dés s’éteignant, la stupeur peinte sur tous les visages ; puis un silence qui lui avait paru interminable, et alors le grand cri de meurtre et la houle de vengeance qui, accompagnant sa fuite, lançaient à ses trousses toute une ville en furie.

— Tout l’enfer est déchaîné, ricana-t-il, en obliquant dans l’obscurité pour gagner la grève.

De toutes les portes ouvertes les lumières jaillissaient : tentes, cabanes, maisons de danse lâchaient leurs occupants sur ses talons. Les cris des hommes et les hurlements des chiens lui déchiraient les oreil-