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QUAND UN HOMME SE SOUVIENT

— Et où ?

À ma hutte, là-haut, à la limite du camp.

Mais Fortuné La Perle se piéta dans la neige et prit divers dieux à témoin de la folie de son interlocuteur.

— Qui es-tu ? dit-il pour terminer, et pour qui me prends-tu, pour croire que je vais aller à ton commandement passer ma tête dans le nœud coulant ?

— Je suis Uri Bram, répondit l’autre simplement, et ma cabane est un peu plus haut, à la lisière du camp. Je ne te connais pas, mais tu viens d’arracher l’âme du corps d’un homme – vois encore le sang sur ta manche – et comme sur un second Caïn, la main de l’humanité s’appesantit sur toi. Il n’est aucune place où tu puisses reposer ta tête. Moi j’ai une hutte…

– Pour l’amour de ta mère, assez parlé, interrompit Fortuné La Perle, ou je vais te traiter comme un autre Abel. Un mot de plus et nous allons voir ! Mille hommes me pourchassent dans la plaine et sur les collines. Qu’ai-je à faire de ta hutte ? Ce que je veux, pourceau maudit, c’est fuir loin, loin, bien loin d’ici !

« J’ai presque envie de retourner faire du grabuge, de régler leur compte à quelques-uns, bande de cochons ! et de terminer cette sacrée histoire. La vie c’est combattre pour sa peau, voilà ce que c’est. Et j’en ai soupé ! »

Il se tut, découragé, abattu par le désespoir, et Uri Bram profita de l’instant. Dame, ce n’était pas