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Page:London - En pays lointain.djvu/60

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QUAND UN HOMME SE SOUVIENT

de cet homme qui le prenait sous sa protection, et un soupçon s’éveilla en lui. Mais à la flamme de la bougie, il vit une pièce confortable et inoccupée et se mit à rouler une cigarette, pendant que l’autre préparait du café.

La chaleur détendit bientôt ses muscles et, allongé sur le dos avec une nonchalance qui n’était pas entièrement feinte, il scrutait avidement la physionomie d’Uri, à travers les spirales de fumée.

Cet homme, aux traits énergiques, avait une force d’un genre spécial qui ne s’extériorise pas. Ses rides formaient des sillons aussi profonds que des balafres, et jamais une expression de sympathie ou de gaîté ne venait en adoucir l’austérité. Ses yeux gris et froids brillaient sous d’épais sourcils broussailleux. Sa mâchoire et son menton dénotaient une fermeté de décision que son front étroit indiquait comme irrévocable et, au besoin, sans pitié.

Tout, dans son visage, exprimait la dureté : le nez, le pli de ses lèvres et les intonations de sa voix. C’était celui d’un homme accoutumé à la solitude et dédaigneux de l’approbation d’autrui ; d’un homme qui, plus d’une fois passait la nuit à débattre ses actes avec sa conscience, mais qui se levait pour faire face à la lumière, la bouche close, afin que nul ne connût ses hésitations.

Il avait l’esprit étroit, mais profond, et Fortuné, aux idées larges et superficielles, ne pouvait le comprendre.

Si Uri avait chanté dans la joie et soupiré dans le