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Page:London - En pays lointain.djvu/66

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QUAND UN HOMME SE SOUVIENT

laient du désir de partir, quand Uri fit un geste inattendu.

— As-tu jamais entendu parler de la Piste du Cheval Mort ?

Il regardait d’un air pensif Fortuné qui, irrité de ce retard, répondit non de la tête.

— On fait parfois des rencontres en des circonstances que rien ne saurait effacer de la mémoire, poursuivit Uri d’une voix basse et très lente. C’est en pareil cas que je fis la connaissance d’un homme sur la Piste du Cheval Mort. En 97, faire franchir la Passe Blanche à son équipement a causé le désespoir de plus d’un mineur, et ce n’est pas sans raison qu’on l’a baptisée ainsi.

« Les chevaux tombaient comme des mouches dès les premiers froid, et de Skaguay au lac Bennett leurs cadavres pourrissaient par monceaux.

« Ils mouraient aux Rochers, ils s’empoisonnaient au Sommet et crevaient de faim aux Lacs. Ils tombaient sur le bord de la piste, quand elle existait, ou passaient à travers la glace dans la rivière ; ils se noyaient avec leurs fardeaux ou s’écrasaient contre les brisants ; ils se rompaient les jambes dans les crevasses ou se cassaient les reins en tombant à la renverse avec leurs ballots ; ils disparaissaient dans des fondrières, s’enlisaient dans la vase, s’éventraient dans les marais où les troncs d’arbres bruts s’enfonçaient à pic.

« Leurs maîtres les tuaient à coups de feu ou les faisaient trimer jusqu’à ce qu’ils tombassent d’épui-