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Page:London - En pays lointain.djvu/83

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OÙ BIFURQUE LA PISTE

— Eh bien ! voici ce que je pense, Hitchcock ! dit-il enfin. Je suis dans le même bateau que les autres. Devant une soixantaine de mâles qui ont pris la décision de tuer cette vierge, nous ne pouvons rien. Un seul assaut, et nous voilà balayés du paysage. Et à quoi cela servirait-il ? Ils auraient la fille tout aussi bien. Il n’est pas prudent de contrecarrer les habitudes d’un peuple, à moins d’être en force.

— Mais nous sommes en force ! interrompit Hitchcock. Quatre blancs valent bien cent Peaux-Rouges. Songe donc à la jeune fille !

Sigmund caressa le chien d’un air pensif.

— Mais je ne fais qu’y songer, à la jeune fille ! Ses yeux sont bleus comme un ciel d’été et rieurs comme la mer étincelante sous le soleil ; sa chevelure est blonde comme la mienne et tressée en nattes aussi épaisses que le bras d’un homme. Depuis de longs jours, elle m’attend là-bas sur une terre meilleure, et maintenant que nous touchons à la fortune, tu penses bien que je ne vais pas l’abandonner.

— Et moi, j’aurais honte de regarder dans les yeux bleus d’une femme alors que mes mains seraient teintes du sang d’une autre aux yeux noirs, ricana Hitchcock, car il avait dans l’âme le sentiment de l’honneur et de la bravoure, ainsi que le désir d’accomplir les choses pour elles-mêmes sans s’arrêter à leurs conséquences.

Sigmund hocha la tête :

— Tu n’arriveras pas à me fâcher, Hitchcock, ni à me faire commettre des folies, sous prétexte que