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Page:London - En pays lointain.djvu/94

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OÙ BIFURQUE LA PISTE

s’occupaient à rendre la souplesse à leurs mocassins gelés.

— Crois-tu que nous aurions bien fait de nous fourrer dans cette affaire ?

Sigmund secoua la tête. Il était affairé. Un jet d’écume venait de monter de la cafetière, et le lard avait besoin d’être retourné. En outre, il songeait à la jeune fille aux yeux miroitants comme les vagues au soleil, et il fredonnait doucement.

Ses camarades échangèrent un sourire et se turent.

Bien qu’il fût sept heures passées, il leur restait encore trois heures à attendre le lever du jour. L’aurore boréale avait disparu du firmament, et le camp ressemblait à une oasis de lumière au milieu des ténèbres. Dans cette clarté, les silhouettes des trois hommes se découpaient nettement.

Sigmund, enhardi par le silence, éleva la voix et entonna la dernière strophe de la vieille chanson :

Lorsque les raisins seront mûrs…

Au même instant, la nuit fut déchirée par une salve crépitante de coups de fusil.

Hawes poussa un gros soupir, fit un effort pour se lever, puis s’affaissa. Wertz tomba sur le coude, la tête penchée. Il fut à demi suffoqué et un flot noir jaillit de sa bouche. Et Sigmund, l’homme à la chevelure d’or, la gorge encore vibrante de la chanson, leva les bras et s’abattit en travers du brasier.