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Page:London - La plus belle pépite, paru dans Candide, 31 juillet 1940.djvu/46

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Elle pinça les lèvres et fixa son regard du côté où resplendissait le soleil à son couchant. Un instant, je considérai son visage pâle, menu et implacable, mais respirant la santé.

— Comment expliquez-vous la présence d’une telle masse d’or en cet endroit ? demandai-je à Julian Jones. Un aérolithe d’or massif ?

— Pas du tout. Il a été apporté là par les Indiens.

— Sur un sommet aussi inaccessible… étant donné son poids et ses dimensions ?…

— Rien de plus simple, fit-il en souriant. Quand la mémoire me fut revenue, je me heurtai longtemps moi-même à ce problème. « Voyons, comment diable ! » pensais-je en moi-même, et je passais des heures à y réfléchir. Lorsque, enfin, j’eus trouvé la solution, je me fis l’effet d’un idiot. Il marqua une pause et annonça :

— Ils ne l’ont pas apporté.

— Mais vous venez de dire le contraire.

— Ils l’ont apporté oui, dans un sens, mais ils n’ont pas hissé là-haut cette énorme pépite. Ils n’ont fait qu’en réunir les éléments.

Il attendit jusqu’à ce qu’il vît la compréhension paraître sur mon visage.

— Ensuite ils ont fondu tout cet or ou l’ont martelé en un seul lingot. Vous n’ignorez pas que les premiers Espagnols débarqués dans le pays, sous le commandement d’un nommé Pizzare, n’étaient qu’une bande de voleurs et d’égorgeurs. Ils ravagèrent le pays et massacrèrent les Indiens. Ceux-ci possédaient des quantités d’or. Alors, ce que les Espagnols ne purent trouver, les Indiens survivants le cachèrent sous la forme de cette masse au sommet de la montagne. Depuis lors, elle attend mon bon plaisir… et le vôtre, si vous voulez me suivre.

Et là, près de la pièce d’eau du Palais des Beaux-Arts, prirent fin mes relations avec Julian Jones.

Sur ma promesse de financer l’expédition, il s’engagea à venir à mon hôtel le lendemain matin avec les lettres de Seth Manners et celles de la Compagnie du Chemin de fer. Mais je l’attendis en vain. Dans la soirée je téléphonai à son hôtel et la caissière m’informa que M. Julian Jones et son épouse étaient partis au début de l’après-midi avec leurs bagages. Mme Jones l’a-t-elle ramené en hâte à sa ferme du Nebraska ? Je me rappelle qu’au moment de nous séparer, quelque chose dans son sourire évoqua en mon esprit l’expression de Mona Lisa l’énigmatique.

Kohala, Hawaï, 5 mai 1916.