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découvert la bibliothèque publique, et que je me plongeais dans la lecture jusqu’à, complète prostration nerveuse.

Dans les pauvres fermes où j’avais vécu, les livres n’existaient pas. Par un pur miracle, on m’en avait prêté quatre, des ouvrages merveilleux, que j’avais dévorés. L’un traitait de la vie de Garfield ; le second, des voyages en Afrique de Paul du Chaillu ; le troisième, un roman de Ouida, où manquaient les quarante dernières pages ; le quatrième, les Contes de l’Alhambra, de Washington Irving. Ce dernier je le tenais d’une institutrice. Je n’étais pas un gosse avancé. À l’inverse d’Oliver Twist, je me sentais incapable de réclamer plus que mon compte. Quand je lui rendis l’Alhambra, je m’attendais à ce qu’elle m’en prêtât un autre. Et, comme elle ne m’en offrit point — sans aucun doute, elle me croyait inapte à les apprécier — je pleurai à chaudes larmes pendant les trois milles qui séparaient l’école du ranch. J’attendais avec anxiété qu’elle revînt sur sa décision. Plus de vingt fois, je fus sur le point de m’enhardir à le lui demander, mais je n’atteignis jamais le degré de toupet nécessaire.

Alors apparut dans ma vie la ville d’Oakland, et, sur les rayons de sa bibliothèque municipale, je vis un monde immense surgir à l’horizon. Il y avait là des milliers de livres aussi bons que mes quatre merveilles, et même quelques-uns de meilleurs.

À cette époque, on n’écrivait pas de livres pour les enfante, et il m’advint d’étranges aventures. Je me rappelle avoir été impressionné, en consultant le catalogue, par ce titre : Les Aventures de Peregrine Pickle. Je remplis un bulletin et le bibliothécaire me remit la collection, in-extenso et sans coupures, des œuvres de Mollett en un énorme volume. Je lisais