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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/115

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expérience et que mes illusions commencèrent à se dégonfler — moi dont jadis les yeux s’étaient rougis et l’âme avait frémi en lisant Le fendeur de lattes[1] et De Terrassier à Président. Oui, j’apprenais à connaître la noblesse de la politique et des politiciens.

Eh bien, ce soir-là, les poches vides et la gorge sèche, mais sans avoir perdu l’espoir de nous voir encore offrir à boire, Nelson et moi étions installés à FOverland House, car nous comptions voir apparaître quelques bonnes poires politiques. Entra Joe l’Oie, l’homme à la soif inextinguible, aux yeux mauvais, au nez tordu, et au gilet à fleurs.

— Venez avec moi, les gars — on rince à l’œil, tant que vous voudrez. Je n’ai pas voulu vous laisser rater l’occase.

— Où ça ?

— Suivez-moi. Je vais vous le dire en route. Nous n’avons pas une minute à perdre.

Tandis que nous remontions en ville à la hâte, Joe l’Oie s’expliqua :

— Il s’agit de la Brigade des Pompiers d’Hancock. Tout ce qu’on vous demande, c’est de porter une chemise rouge et un casque, ainsi qu’une torche. On va par train spécial jusqu’à Haywards, pour faire la retraite.

(Je crois que c’était Haywards, à moins que ce ne fût San-Leandro ou Niles. Et, sur mon âme, je ne saurais me rappeler si la Brigade était une organisation républicaine ou démocrate. Bref,

  1. Allusion à Abraham Lincoln (1809-1865) qui, vers 1830, avait pendant quelque temps taillé des pieux pour faire des barrières.