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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/14

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La première fois que je m’enivrai, j’avais cinq ans. Par cette chaude journée, où mon père labourait notre champ, on m’envoya, de la ferme qui se trouvait à 800 mètres, lui porter un seau de bière.

— Et surtout ne le renverse pas, me recommanda-t-on en me laissant partir.

C’était, autant que je me souvienne, un seau à saindoux, très large du haut et sans couvercle. Je m’éloignai à petits pas, mais la bière débordait et me mouillait les jambes. Tout en marchant je réfléchissais. La bière était une denrée très précieuse ; elle devait être prodigieusement bonne, car pour quelle raison m’empêchait-on toujours d’en boire à la maison ? Mes parents mettaient hors de ma portée d’autres choses que j’avais trouvées excellentes. La bière devait l’être aussi. Je pouvais faire confiance aux grandes personnes ; elles en connaissaient plus long que