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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/15

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moi. En tout cas, le seau était trop plein. Je le cognais entre mes jambes et la bière se répandait par terre. Pourquoi la gâcher ? Personne ne saurait si j’en avais bu ou renversé.

J’étais si petit qu’afin de lamper à même le seau, je dus m’asseoir et le caler entre mes genoux. La mousse, que j’aspirai tout d’abord, me désappointa. La nature précieuse de la bière m’échappait. Manifestement, elle ne résidait pas dans l’écume, dont le goût n’était pas fameux. Alors je me souvins d’avoir vu les grandes personnes souffler sur la mousse avant de boire. J’enfouis ma figure et lapai le liquide que mes lèvres rencontrèrent par-dessous. C’était loin d’être bon, mais je continuai à boire. Mes aînés savaient ce qu’ils faisaient. Vu ma petitesse, la dimension du seau entre mes jambes, et le fait que j’y buvais en retenant ma respiration, le visage enfoui jusqu’aux oreilles dans la mousse, il m’était assez difficile d’estimer la quantité de bière que j’ingurgitais comme un médicament, car j’avais hâte de terminer cette épreuve.

Je fus pris de frissons quand je me remis en route. Pensant que le bon goût de la bière me serait révélé par la suite, je recommençai plusieurs fois l’essai au cours de ce long parcours de 800 mètres. Puis, alarmé de voir la quantité qui manquait, je me rappelai comment on s’y prenait pour faire mousser de nouveau la bière-reposée ; je pris un bâton et remuai le restant jusqu’à ce que l’écume atteignît le bord.

Mon père ne s’aperçut de rien. Il vida le seau pour apaiser la soif ardente du laboureur qui transpire, me le repassa, et reprit son travail. Je m’efforçai de marcher à côté des chevaux. Je