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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/140

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oubliées, et nous nous estimions réciproquement comme les meilleurs garçons de la terre.

Depuis le début de cette soirée, nous restâmes attablés jusqu’au matin, et tout ce que je vis du Japon, cette nuit-là, fut une taverne qui ressemblait fort à celles de mon pays et, sans doute, de partout ailleurs.

Notre bateau demeura deux semaines au port de Yokohama, et, pendant tout ce temps, nous ne connûmes guère du pays que ces bouges à matelots. Parfois, l’un de nous brisait la monotonie du séjour en prenant une cuite plus corsée que d’habitude. Moi-même j’accomplis un véritable exploit. Au beau milieu d’une nuit sombre, je regagnai notre goélette à la nage et m’endormis à poings fermés tandis que la police maritime fouillait le port à la recherche de mon cadavre, et exposait mes habits pour qu’on pût établir mon identité.

C’est peut-être pour exécuter des prouesses de ce genre que les hommes s’enivraient. Dans notre petit cercle, mon acte avait pris les proportions d’un événement. Tout le port en parlait. En quelques jours, ma renommée se répandit chez les bateliers japonais et dans toutes les tavernes de la côte. Cette aventure, marquée d’une pierre blanche, ne devait pas s’oublier de sitôt, et je la racontais non sans fierté. Je m’en souviens encore aujourd’hui, après ces vingt ans écoulés, avec un secret frisson d’orgueil. Elle faisait époque dans ma vie, au même titre que la destruction de la maison de thé par Victor, aux îles Bonin, et mon entôlage par les mousses déserteurs.

Le plus étrange est que le charme de John