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Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/151

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de jalousie, et je ne pus lui cacher que j’aurais voulu en faire autant.

— Eh bien, c’est facile, dit Louis, procure-toi une petite amie.

Cependant, la chose était moins aisée qu’il ne semble. Au risque de m’écarter un peu de mon sujet, je vais vous le démontrer. Louis ne rencontrait pas les jeunes filles chez leurs parents, où il n’était jamais admis. À plus forte raison, complètement étranger à ce nouveau milieu, je me trouvais dans le même cas. Ni l’un ni l’autre n’avions les moyens de suivre des cours de danse, ou de fréquenter les bals publics, lieux propices, entre tous, à ce genre de rencontres.

Apprenti forgeron, Louis ne gagnait guère plus que moi. Nous vivions à la maison et y rapportions la plus grande partie de notre salaire. Avec le reliquat nous achetions nos cigarettes, et l’indispensable en vêtements et chaussures. Après ces dépenses il nous restait à chacun, comme argent de poche, une somme qui variait entre soixante-dix cents et un dollar par semaine. Nous en faisions une cagnotte, où nous puisions à part égales, et parfois l’un de nous empruntait le reste pour se lancer dans de plus somptueuses aventures féminines : par exemple, un voyage en tramway, aller et retour, jusqu’au parc Blair : ce qui représentait vingt cents, envolés comme ça, d’un seul coup ; deux glaces, trente cents ; des tamales[1] qu’on prenait dans des établissements

  1. Farine de maïs mélangée à de la viande hachée. Le tout est assaisonné de poivre, trempé dans l’huile, et cuit à la vapeur. Mets très apprécié au Mexique.